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11 octobre 2014 6 11 /10 /octobre /2014 22:00

Ce jour-là, en ouvrant la radio, j’ai reconnu la voix de Gérard Philippe récitant « La mort du loup » d’Alfred de Vigny. J’avais entendu à quelques reprises ce texte mais jamais je n’avais connu une émotion aussi intense. La détresse du loup m’a été droit au cœur, je lui prêtais des sentiments humains. Que sait-on du fond de « l’âme » animale ? Qu’on songe, par exemple, à la fidélité du chien capable d’une grande générosité.

Nous sommes si habitués à la mort des animaux : leur chair, pour certains, nous est si nécessaire pour nous nourrir, leur fourrure, pour nous protéger du froid, que nous oublions notre statut de prédateurs à leur endroit. J’en conviens vraiment : la prédation est une longue chaîne. De l’homme jusqu’au plus infime représentant d’une catégorie d’animaux ou d’insectes, chacun devient prédateur. Parfois, l’homme nous apparaît le plus cruel parce qu’il sait qu’il fait souffrir, son indifférence sert son instinct mercantile.

Revenons à notre récit. Il est d’une grande profondeur et plein de sens ; il nous met en face de nous-mêmes, de nos réactions, nos attitudes, notre indifférence vis-à-vis de nos semblables, nos dissensions, notre agressivité, nos rancunes et dans certains cas, notre cruauté.

Le loup, devant ses ennemis armés jusqu’aux dents, lutte désespérément, même sachant qu’il n’aura pas l’avantage sur eux. Il essaie de gagner du temps, espérant que sa louve et ses petits pourront échapper à la mort. Il ne peut rien contre les balles qui trouent sa chair et font couler son sang. S’il mord le chien lancé à sa poursuite en plantant ses crocs dans la gorge de ce dernier, ce n’est pas par méchanceté : il se défend. Quand, de guerre lasse il tombe, sans une plainte, seul son regard tourné vers ses assaillants témoigne de sa souffrance dans un reproche silencieux qui semble dire : pourquoi ?

La voix et le talent de Gérard Philippe donnent une dimension tragique à ce récit : on est emporté dans un monde de violence où le sens de l’humain n’a plus sa place. On ne nous dit rien de la raison de ce massacre. Ma réflexion s’est poursuivie et j’ai transposé cette histoire dans notre vie quotidienne. La soif de puissance, donc de pouvoir, continue de dominer dans les passions des hommes. Il y a les fauves et les animaux sans défense, il y a chez les humains les faibles et les forts et ceux-ci semblent l’emporter toujours. A moins qu’un jour vienne où les cœurs parleront plus fort que les passions dévorantes. Mais nous, « nous serons morts mon frère. »

Je perds parfois confiance en l’humanité et ma première réflexion à la fin de ce récit a été celle-ci : c’est la mort qui me fait vivre, qui nous fait vivre. Ce qui me sauve d’une grande tristesse devant la cruauté des humains dont les nouvelles nous rebattent les oreilles, c’est l’immense bonté de tant de nos semblables qui ne se vantent jamais de leurs gestes de générosité et de délicatesse dont on est souvent les bénéficiaires.

Merci, Seigneur, pour ceux qui sont bons.

Thérèse Hart

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19 septembre 2014 5 19 /09 /septembre /2014 17:06

Il y a des scènes dans les évangiles qui sont très émouvantes et le dernier repas de Jésus avec ses apôtres est de celles-là. On y sent passer toutes sortes d’émotions : de la tendresse à l’angoisse. Jean dit que Jésus, au cours du repas, sachant qu’il retournait à son Père, se lève, enlève son manteau et se prépare à laver les pieds de ses disciples. Son geste nous paraît si spontané, qu’il ne peut pas l’avoir prémédité, mais on ne sait pas.

Jésus veut d’abord dire à ses disciples de faire de même avec leurs semblables. « Si vous m’appelez Maître et Seigneur…si donc je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres… » Il se fait à ce moment-là l’humble serviteur, mais son geste qui est une leçon de service, a un aspect quasi maternel qui est très touchant.

Les évangiles nous ont dépeint un Jésus à la parole rude, même drue parfois. Songeons à sa réponse Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tu me fais obstacle, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » Et à cet autre qui veut d’abord aller enterrer son père, sa réplique stupéfie et nous laisse mal à l’aise : « Suis-moi et laisse les morts enterrer leurs morts. » Mais la veille de sa mort, à la dernière Cène, on sent que Jésus veut plus que jamais assurer ses disciples de tout son amour, de toute sa tendresse. Il sait bien qu’ils auront à souffrir à cause de lui, de sa Parole.

Dans Mathieu, on lit : « J’ai désiré avec ardeur manger cette Pâque avec vous avant de souffrir. » Jean, pour sa part rapporte ces paroles : « Mes petits enfants, je n’en ai plus pour longtemps avec vous … » On est si habitué d’entendre ces paroles qu’elles semblent, pour beaucoup d’entre nous, avoir perdu toute leur profondeur, toute leur beauté et le chagrin qu’elles sous-tendent ne les rejoint plus. Il aime ceux qui l’ont suivi sur les routes de la Palestine, mais il ne semble pas se faire d’illusion sur leur courage et leur fidélité. « L’un de vous me trahira… » laisse-t-il entendre. Et quand Pierre avec toute la fougue qu’on lui connaît, affirme avec force qu’il donnera sa vie pour lui, Jésus répond avec ce qui nous paraît une douce ironie : « Tu donneras ta vie pour moi ? » Pierre ne semble pas avoir compris sur le moment que Jésus savait déjà quelle serait sa réaction devant la servante qui le reconnaît comme l’un des disciples de Jésus. Il pleurera amèrement après l’avoir renié trois fois.

Ce repas qui aurait dû être une fête faite de joie, d’amitié partagée, de solidarité, se retrouve teintée d’inquiétude et de questionnement pour les apôtres, de tristesse et de déchirement pour Jésus qui sait ce qui l’attend. Son seul commandement, un véritable leitmotiv dans ces moments tragiques, c’est qu’ils s’aiment les uns les autres comme lui les a aimés. Ce sera la marque par laquelle on reconnaîtra ceux qui suivront son enseignement.

Les apôtres ne comprennent pas et se disent entre eux : « Qu’est-ce qu’il nous dit là : « Sous peu vous ne me verrez plus et puis, un peu encore et vous me verrez … qu’est-ce que ce peu ? Nous ne savons pas ce qu’il veut dire. » Ce qu’il voulait leur dire étant trop difficile pour eux à porter, il leur annonce la venue de l’Esprit qui les conduira à la vérité tout entière. Ils seront alors remplis de force, de lumière et de courage et témoigneront de leur amour pour lui par le martyre.

La vie de Jésus est arrivée à son achèvement. Avant de les quitter, dans le débordement, la démesure de son amour, il invente l’eucharistie avant de donner sa vie dans un mouvement d’amour fou, même sachant quelles atroces souffrances lui seront infligées.

J’essaie de me représenter l’événement : c’est au soleil couchant, l’ambiance est tout imprégnée de mystère que l’imagination n’arrive pas à décrire dans toute son ampleur, dans tout le tragique de la situation. Pour Jésus, c’était déchirant de quitter cette vie qu’il aimait sans doute, de quitter ses amis qui, il le sait, s’enfuiront, pris de panique, quelques heures plus tard, l’abandonnant à la cruauté et à la haine de ses ennemis. Mais son amour va au-delà de toutes les faiblesses, de toutes les trahisons.

Mais à la résurrection, tout à la joie de le retrouver, ils oublieront qu’ils l’ont abandonné. Seul Jean aura été au pied de la croix. En tout cas, il n’est pas question de regret ou de remords dans les Écritures.

Thérèse Hart

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28 août 2014 4 28 /08 /août /2014 01:46

J’ai de plus en plus besoin de silence. Un silence vivant qui n’a rien de commun avec l’isolement. Le bruit, le bourdonnement de paroles autour de moi, tout comme la musique infernale que radio et télévision diffusent à cœur de jour me fatiguent. Je préfère de loin à tout cela, la musique grande et belle, l’écriture, la lecture, les balades en forêt, la communication à deux, à trois ou à quelques personnes que j’aime et qui partagent les mêmes valeurs, les mêmes goûts même s’il y a parfois certaines divergences sur l’un ou l’autre point de vue. J’accepte mal cependant que dans un tel groupe, l’un prenne la parole sans laisser d’espace aux autres ou fasse la leçon en maître qui croit tout connaître et tout savoir.

Cela m’amène sur le terrain de l’amitié. Si j’essaie de décrire l’amitié, je me heurte à une définition à la fois simple et complexe. À mon avis, elle suppose de prime abord l’accord entre les personnalités, les caractères, une grande confiance et une oreille attentive. Il ne s’agit pas de toujours partager les mêmes opinions. Là où le sol devient glissant et dangereux, c’est au niveau des convictions, surtout religieuses. Là est la question que je me pose souvent : peut-on parler d’amitié quand il faut taire le questionnement qui en préoccupe certains sinon beaucoup : la foi ? Je réponds oui, si on sent qu’il y a respect réciproque et que la moquerie n’a pas sa place.

Cet aspect me tarabuste drôlement. A force d’y réfléchir, je me dis qu’on ne peut pas tout demander à la même personne, si chère nous soit-elle. Il y aura forcément des déceptions de part et d’autre. Chacun ne peut donner plus qu’il n’a et que ce que l’un ne peut offrir, un autre peut-être le pourra. Peut-être aussi devra-t-on faire tout seul le chemin. Cela est vrai pour tous et j’ai moi-même à m’interroger sur cette question.

Ce qui est majeur dans l’amitié, c’est, outre l’affection, l’entente mutuelle, la bonté, la compassion pour l’ami dans des moments difficiles et la générosité. Ce que j’attends d’un ami, je dois pouvoir l’offrir aussi. C’est un échange, un partage qui varient selon les personnalités. Le plus précieux dans l’amitié, c’est la qualité de présence et d’écoute. Pouvoir sortir de soi pour aller à l’autre. J’ajouterais, et cela me semble important, que c’est de rire ensemble, de ne pas toujours être sérieux comme des papes.

Avec les années qui sont passées, j’ai mieux compris sans l’avoir toujours bien accepté, qu’un ami ne puisse pas être la personne idéale : je ne le suis pas non plus. On peut être déçu de ne pas recevoir ce qu’on attendait, mais on n’a pas le droit d’avoir des exigences autres que la loyauté, la compréhension, la bonté et, bien sûr l’affection.

Pour ne pas trop m’égarer dans ce concept d’amitié, je résumerais ma pensée en disant que de voir des amis très proches et fidèles dans la durée me touche profondément. C’est l’un des plus beaux sentiments que l’on puisse vivre et qui me semble avoir une parenté d’âme avec l’amour.

Thérèse Hart

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28 juillet 2014 1 28 /07 /juillet /2014 14:48
ÊTRE L’ÉCHO DU SILENCE

Pour avoir accès au réel, il faut toucher à ce qui reste après le spectacle et panser les plaies. Le mal-aimé silence nous y invite sans cesse.

Je lui avais donné rendez-vous sur le quai, au bord du petit lac en montagne. Ne t'inquiète pas, m'avait-il répondu avec une certaine tendresse, je connais la place! J'ai fait confiance et je suis parti le rejoindre, c'était fin mai, assuré que j'arriverais avant lui. Je me suis engagé dans l'étroit chemin bordé de bouleaux, de sapins, d'épinettes et de hêtres. Pas d'horizon au loin: que de très légers zigzags. D'un pas affirmé, je marchais accompagné de soleil, de mésanges et de sittelles. J'étais plutôt fringant, car j'avais hâte de lui serrer la pince. Et subitement, une large ouverture devant moi: mon compagnon était déjà debout sur le quai, avant moi. J'aurais dû y penser: c'est un « p 'tit» vite. Son nom est Silence.

J'avais pris rendez-vous avec Silence pour avoir accès au réel, car notre féroce société matérialiste invente sans cesse des moyens pour le voiler, ce réel, et ainsi nous distraire, nous endormir, nous éloigner de ce qui est durable. Les manipulateurs de notre société forment des spectateurs et des spectatrices d'un soir entassés les uns sur les autres pour un moment; quand le rideau tombe, tous et toutes se dispersent et se réfugient devant leur écran qui parle constamment. Mon ami Silence m'a accueilli à bras ouverts, les mains vides. Sûrement le cœur

VIE SPIRITUELLE

plein. Nous nous sommes assis au bout du quai et je l'ai écouté: façon de parler, car il n'a prononcé aucune phrase. J'aurais dû y penser: il est effacé. C'est un Serviteur. Il s'est contenté de souffler sur mon âme afin qu'elle se réchauffe et irradie comme un feu de camp. Il a éveillé puis chatouillé en moi la mémoire, l'imagination, la sensibilité, la pensée, l'observation et l'attention, l'espérance, la compassion pour tout être vivant. Je me suis blotti contre lui et je l'ai laissé souffler à son rythme. Une communion au

« nous» universel s'est établie, une promenade dans la Beauté du monde s'est esquissée. J’ai pensé à mon amoureuse, aux grands écrivains, à Jean Vanier et à l'abbé Pierre, à mon ami Marc, aux élèves « pockés » à qui j'ai enseigné; une mésange a filé tout près de moi; j’ai entendu Françoise Hardy chanter L'amitié et Gilles Vigneault interpeller Les gens de mon pays. Une sorte de félicité m'a progressivement envahi et j'ai senti que Silence était habité par Quelqu'un qui avait de belles choses à dire, des choses à écouter avec les oreilles de l'intelligence et celles du cœur. Une Parole de sagesse afin que nous soyons UN, car sur cette planète les êtres humains craignent les mêmes dangers et nourrissent la même espérance.

UNE PAROLE NON PRONONCÉE

Cette Parole non prononcée par des mots a réussi à m'interroger: le réel s'est invité puis a pris place entre Silence et moi: Alexandre l'ado qui vient de « sauter sa coche», qui a dérapé et que la DPJ a ramassé; Jacquot, l'itinérant en béquilles esseulé et toujours « en poste », été comme hiver, devant le Métro sur Fleury; Jeanne dont la mémoire est en train de se noyer tout doucement et tellement tristement; ces deux voisines humiliées et en colère parce que le curé de leur paroisse a refusé de baptiser leur nouveau-né; Denis qui vient d'être libéré après cinq ans de détention et qui ne parvient pas à se dénicher un emploi ... puis l'Ukraine et la Syrie, les aînés oubliés, Lac-Mégantic et L'Isle-Verte ... Les spectacles cachent la femme réelle et

l'homme réel; heureusement qu'existe l'art, le vrai, celui sans lequel notre compréhension de nous-mêmes et du monde serait atrocement pauvre.' Étonnamment l'art, le vrai, marche souvent main dans la main avec le silence, la prière et l'Âme universelle.

1 BEAUCHEMIN, Jean-François quelques pas dans l'éternité, Québec Amérique 2013, p. 18:

SILENCE ÉTAIT HABITÉ PAR QUELQU'UN

Mon ami Silence a pris congé: il mange très peu ... comme un petit oiseau qui a confiance. J'ai retiré de mon sac à dos un morceau de pain pita, une tranche de fromage et une bouteille de vin petit format. J'ai dégusté lentement en toute confiance moi aussi, contemplant le séduisant lac bleu. Puis Celui qui habite le silence, car je suis convaincu que le silence est habité, m'a soufflé une intuition: le type de Serviteur qu'il a choisi pour parvenir à l'unité respectueuse de la diversité, description rapportée par Matthieu (12,15-21), qui la tenait lui-même d'Isaïe: n ne criera pas, il ne brisera pas le roseau courbé, il n'éteindra pas la lampe dont la lumière faiblit, il agira sans cesse pour que triomphe la justice. Voilà quelques grands traits épousés par Jésus de Nazareth, Verbe de Dieu et Serviteur de sa Parole. Un Serviteur qui a dû cultiver en lui l'art de la patience et de la prudence, l'esprit de pauvreté et de vérité, la bienveillance et le pardon, pour ne pas renoncer à son projet. J’ai pensé à Nelson Mandela.

LE SILENCE PARLE

Je me suis dit que je devrais faire écho à ce que le silence m'a fait entendre. Au quotidien, être l'écho du silence qui s'est exprimé. Donner à mes mots des mains et des pieds. Incarner mes mots. Je me suis aussi que je devrais revenir plus souvent avec mon ami Silence pour reprendre souffle, car ne pas éteindre la lampe dont lumière faiblit est un art ... disons exténuùnt! Le Serviteur de la Parole, en Samarie Judée, avait compris ça.

André Gadbois

Dans Le Précurseur été 2014 pp.4-5

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23 juillet 2014 3 23 /07 /juillet /2014 16:44
Rencontre avec l’abbé Raymond Gravel

Par Paul Toutant


L'abbé Raymond Gravel nous raconte son enfance à la dure, sa découverte de la Bible, son admiration pour le pape François et sa lutte contre le cancer. Rencontre avec un libre-penseur.

L’enfance à la dure
Raymond Gravel est né à Saint-Damien il y a 61 ans. Dans cette petite localité rurale sise non loin de Joliette, les Gravel sont une famille de cultivateurs. Six enfants à nourrir, un père qui préfère ses chevaux à sa marmaille et une mère qui «mange souvent des volées» en voulant protéger ses petits contre la violence paternelle. Le père du jeune Raymond ne boit pas, mais il a une disposition naturelle à se défouler en cognant sur sa femme et ses enfants. Peut-être avait-il eu d’autres aspirations que celle d’être prisonnier d’une ferme de misère, entouré de petits affamés qui ne rêvaient, eux, que de quitter ce nid familial hostile.
«Ma mère Réjeanne était une femme très douce, se rappelle l’abbé Gravel. Elle a fait plusieurs fausses couches, mais elle était vaillante.» Peu instruite, elle adore faire des mots croisés, un loisir qui ne coûte rien. Réjeanne élève ses enfants dans la religion catholique, mais en se posant beaucoup de questions sur les moeurs religieuses de son époque. «La religion interdisait de manger de la viande le vendredi, se souvient Raymond Gravel avec un sourire. Puisque je n’aimais pas les tomates ni les oeufs, maman me faisait des sandwiches au jambon pour mon lunch. “Tu n’as qu’à pas te faire attraper par les religieuses”, me disait-elle.» Les interdits catholiques paraissent bien insignifiants à Réjeanne: défense de danser et d’aller au cinéma? Pas pour les Gravel. Raymond organise d’ailleurs des soirées de danse au couvent des religieuses de Joliette, la preuve, croit-il, que la foi peut ne pas être intégriste. Au collège, Raymond est éduqué par les Frères du Sacré-Coeur. Lui et sa bande prennent un malin plaisir à leur jouer des tours pendables. «Ils portaient des scapulaires dans le dos. On accrochait ceux-ci aux rampes d’escalier lorsqu’ils descendaient, et ils prenaient une méchante débarque, raconte-t-il en riant. Ou l’on pendait des statues à l’intérieur des armoires, de sorte qu’elles tombaient lorsqu’un frère en ouvrait la porte. On en a cassé, des statues!»
Malgré tout, Raymond Gravel garde un souvenir attendri de ses anciens professeurs, des «gentlemans à leur façon». Mais à la maison, l’atmosphère est de plus en plus irrespirable. Gravel la foi nue, enfant battu, puis adolescent prostitué, il est devenu prêtre, député indépendantiste à Ottawa et pourfendeur de l’Église des riches. Il se bat aujourd’hui contre un cancer virulent et rêve de combats à mener pour retrouver le véritable esprit de l’Évangile, celui de la libération intérieure et collective. Rencontre avec un libre-penseur.


Bum de rue
À 16 ans, Raymond n’en peut plus. Encouragé par sa mère, il quitte la maison. Mais où aller? À Montréal, bien sûr, où il arrivera sans le sou. Sa mère lui dit en le quittant: «Je te fais confiance, tu sais ce que tu as à faire.» Pour gagner sa vie, Raymond répond à une petite annonce d’un quotidien: on demande des «escortes», autre nom pour «prostitués». Pendant quelques mois, il devient l’amant d’hommes désespérés qui doivent payer pour un peu de tendresse. Raymond, qui n’est pas homosexuel, consomme de plus en plus de drogues assommantes pour pouvoir faire son nouveau métier. «Les amphétamines étaient en vente libre à cette époque, se souvient-il, les gens en prenaient pour maigrir.» Un soir, un client agressif le viole et le roue de coups. Raymond se retrouve à l’hôpital. À cette époque, pas question qu’un prostitué porte plainte à la police. Fini le travail d’escorte! Il s’accroche à un vieux rêve: terminer ses études et devenir prêtre. «J’avais toujours été attiré par la vocation sacerdotale, dit-il. Je voulais aller voir si cet appel était réel ou pas. Mais il me fallait étudier sérieusement.»
Raymond devient barman au fameux Limelight puis au Rendez- Vous Disco, dans l’ouest de Montréal. Il y amasse assez d’argent pour finir ses études au séminaire. «C’est drôle, les clients savaient que je me destinais à la prêtrise et venaient souvent se confier à moi. C’est là que j’ai appris à écouter les gens sans les juger. Quand je suis allé faire un stage dans une paroisse, les clients et le personnel du bar m’ont fait un “party de curé”, c’était spécial!»


Découvrir la Bible
Raymond Gravel est ordonné prêtre en 1986. Il se souvient que, pendant la cérémonie, son père n’a pas cessé de pleurer. Les deux hommes vont d’ailleurs se réconcilier avant le décès du paternel, en 2002. «Opéré pour un cancer de l’intestin, il se savait condamné, se souvient l’abbé Gravel. Il m’a alors demandé pardon pour le mal qu’il m’avait fait. Il s’est confondu en excuses et m’a déclaré qu’il m’aimait, ce qu’il ne m’avait jamais dit de sa vie. Il m’a avoué être très fier de moi et m’a demandé de lui donner l’extrême- onction, comme on disait à l’époque. Il est mort le lendemain.»
Raymond Gravel, prêtre, s’intéresse avec passion aux Saintes Écritures. Pour mieux les comprendre, il apprend le grec et l’hébreu. Il étudie à Rome et obtient deux maîtrises, dont une sur la Bible. «Ce n’est pas un livre comme les autres, explique-t-il. Son message est toujours d’actualité et il est ouvert à toutes les générations. Il faut cependant actualiser le texte, l’adapter aux réalités contemporaines, le réinterpréter pour comprendre la parole de Dieu.»
L’abbé Gravel m’explique que certains passages de la Bible sont devenus désuets et ne reflètent que la morale de siècles révolus. «Le livre du Lévitique, donne-t-il en exemple, est épouvantable, et il ne faut pas s’acharner à décrypter ça. C’est de la vieille morale tout à fait dépassée.» Par contre, le message des Évangiles est pour lui très actuel: «C’est un formidable appel à la liberté. Le Christ est venu pour nous libérer, et c’est dommage qu’on en ait fait une religion. Sa parole était tellement libre.»
Lancé sur son sujet favori, voilà que le prêtre s’enthousiasme. «On a enfermé le Christ dans une religion, et pourtant il était un Juif qui contestait sa propre religion. Ce n’est pas lui qui a inventé le christianisme, ce sont ses supporters, et ils n’auraient jamais dû le faire. On a voulu contrôler son message. Il ne faut pas que la religion empiète sur la foi, mais c’est malheureusement ce qui est arrivé à l’Église catholique. C’est pour cela que beaucoup de bons croyants en sont sortis: elle a voulu contrôler la foi. On ne peut pas contrôler Dieu!»
De tels propos auraient probablement entraîné l’excommunication du prêtre Gravel il y a 25 ans. Aujourd’hui, l’Église lui donne raison. L’abbé en rajoute: «Il n’y a rien d’historique dans l’Évangile, déclare-t-il. Quand Jésus a été baptisé, le ciel ne s’est pas ouvert pour permettre l’envol de milliers de colombes. Il n’a pas vraiment marché sur les eaux et n’a jamais changé de l’eau en Châteauneuf-du-pape! Ce sont des images, des symboles qu’il ne faut pas prendre à la lettre. L’Église devrait être au service de l’Évangile, mais c’est le contraire qui s’est produit, ça n’a pas d’allure. Pratiquer l’Évangile, c’est apporter la bonne nouvelle du Christ, libérer les gens, soigner les blessés de la vie, accompagner les personnes qui ont perdu leur dignité. Quand l’Église condamne les homosexuels et les divorcés remariés, elle fait exactement le contraire de ce que le Christ nous a dit de faire. C’est un discours qui ne tient plus!» Raymond Gravel ajoute que les croyants déçus qui se tournent vers les sectes n’ont pas vraiment réfléchi. «Ce sont des gens qui ont besoin de sécurité, de règlements. Ils quittent l’Église catholique pour aller vers les Témoins de Jéhovah ou les baptistes. C’est pas fort comme réflexion. Ce sont des mouvements qui infantilisent les gens.»


François, pape de l’espoir
Raymond Gravel ne cache pas son admiration pour le nouveau pape François. Il estime que ce dernier met en branle des réformes importantes qui vont répondre aux aspirations des catholiques. «Regardez-le aller, c’est formidable. L’Église est un gros paquebot qu’on ne peut pas faire tourner sur un dix cennes. C’est une institution millénaire. Pourtant, François travaille à la dépouiller tranquillement de plusieurs couches superficielles. Lorsqu’il dit : “Qui suis-je pour juger les homosexuels?”, c’est une révolution dans les mentalités. Ce ne sont pas les deux papes précédents qui auraient dit ça. Jean-Paul II a fait reculer l’Église de 100 ans et Benoît XVI a privilégié la droite rigide. François travaille délicatement: il a accepté de canoniser Jean-Paul II, une décision de son prédécesseur, mais il fera aussi canoniser Jean XXIII, le pape de la réforme. Le message est clair. Le cardinal Ouellet, un conservateur, n’a plus le beau rôle à Rome. François veut contrôler désormais les nominations d’évêques et il a déclaré que les carriéristes ne sont pas à leur place au Vatican. Mais il doit faire attention: s’il va trop vite, il va se faire dégommer par les cardinaux les plus traditionnels ou même carrément se faire tuer.»
Le nouveau pape a également appelé les cardinaux à faire preuve de modestie. «Il a découvert que la garde-robe d’un cardinal coûte au bas mot 20 000$, m’apprend l’abbé Gravel. Les soutanes haute couture, les souliers de soie et les dentelles vont être abolis. On a fini de voir défiler ces ecclésiastiques comme s’ils formaient une assemblée de poupées Barbie. Au dernier conclave, ils avaient l’air d’une bande de travestis en parade, des vrais drag-queens!»


Indépendance et droit des femmes
Le 27 novembre 2006, Raymond Gravel est élu député de Repentigny pour le Bloc québécois, devenant le premier prêtre indépendantiste à siéger à Ottawa. Cette élection fait grand bruit et dérange les catholiques conservateurs du Canada. «J’avais demandé à Mgr Lussier, l’évêque de Joliette, de rester prêtre pendant mon mandat, sinon je n’allais pas siéger.» Permission accordée, à condition que le député n’exerce pas de ministère pendant son mandat. Raymond Gravel insiste pour participer aux grands débats de société qui ont cours aux Communes. Lorsque Henry Morgentaler, pionnier des cliniques d’avortement, est honoré par le gouverneur général, le député-prêtre prend sa défense, disant qu’il ne faut pas condamner les femmes qui se font avorter, mais plutôt les soutenir et les accompagner. Lorsqu’il se prononce en faveur du mariage gai, c’en est trop pour les catholiques intégristes: des organismes mènent une campagne à Rome pour qu’il soit expulsé de l’Église. Rome, dirigé par Benoît XVI, lui ordonne de choisir: demeurer prêtre ou député. Raymond Gravel est prêtre avant tout et ne se représente pas aux élections suivantes. «Je ne suis pas rentré dans le rang pour autant, précise l’ex-député. J’ai gardé mon droit de parole et ça en dérange encore plusieurs. Depuis l’élection du pape François, mon évêque, un sapré bon gars, ne reçoit plus de mises en garde de Rome. J’ai enfin la paix!»
Raymond Gravel se dit toujours indépendantiste. «Le Bloc est le seul parti qui travaille pour les Québécois à Ottawa, affirme-t-il. Le NPD, malgré ses nombreux députés du Québec, n’ose pas défendre nos droits pour ne pas s’aliéner les autres provinces. À Québec, je dois dire que le Parti québécois m’a grandement déçu avec son projet de charte des valeurs. Pour le reste...»
Au moment de réaliser cette entrevue, en janvier, Raymond Gravel lutte contre un cancer des poumons avec des métastases aux os. La chimiothérapie le force à réduire ses activités. «J’ai fumé pendant 40 ans et je le regrette amèrement. J’aimerais avoir encore beaucoup de temps à vivre pour gagner mes combats et diffuser la parole du Christ, promouvoir le respect de la différence, travailler contre la haine des autres, me dit-il, lucide. Je ne sais pas ce qui m’attend après la mort. Je crois que la conscience survit dans l’au-delà, mais j’ignore quelle forme cela pourrait prendre. J’ai un fils spirituel, Alexandre, qui est marié et père de deux enfants; je vais me continuer à travers eux, ça me fait du bien d’y penser. Je suis à terminer ma biographie, qui paraîtra cette année, et j’achève un livre sur l’espérance, que je vais dédier au pape François. Ce sera un livre-choc, avec des témoignages d’exclus de l’Église, des gens mal pris, des femmes qui se sont fait avorter, des gais. C’est à eux que nous devons apporter l’espoir. C’est pour eux que le Christ est venu sur la Terre. Quand le temps sera venu, je partirai en paix en pensant à ceux que j’ai aimés et à ce qui va rester de moi dans leur coeur. J’espère seulement que l’au-delà ne ressemble pas aux images pieuses du ciel. Je trouverais ça bien ennuyant!»

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5 février 2014 3 05 /02 /février /2014 03:25

L’autre nuit, je fis un rêve étrange. Je me voyais sur une colline surplombant la ville. C’était le soir et il y avait une grande fête populaire. Les gens circulaient sur la rue principale de la ville, avec des flambeaux à bout de bras. Les uns avaient des flammes importantes et très brillantes dans la nuit tandis que d’autres avaient des flambeaux à peine allumés. Ce qui était le plus surprenant c’était de voir des gens circuler avec des flambeaux éteints! Cela me posait question! Comment expliquer que des gens puissent participer à une procession aux flambeaux avec un truc sans feu. En descendant de la colline, j’entendais encore la musique et les bruits de la foule tout en essayant de comprendre pourquoi il y avait des flambeaux éteints. J’en vins à la conclusion que cette procession devenait le symbole de notre vie. Tandis que certains circulent avec le feu éclatant de leur foi et de leur espérance, d’autres circulent avec des feux vacillants et enfin, il s’en trouve qui passent dans la vie avec le flambeau de leur foi et de leur amour éteint par la dureté de l’épreuve ou encore par le désir de la possession ou tout simplement parce qu’ils ne sont pas habités par la lumière de la foi. Cette procession aux flambeaux me rendit bien songeur.

 

 

Nourrir sans cesse le feu de notre flambeau, voilà l’enjeu de notre vie! « Partage ton pain avec celui qui a faim, recueille chez toi le malheureux sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable. Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront rapidement. Ta justice marchera devant et la gloire du Seigneur t’accompagnera… Ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera comme la lumière du midi. » (Is. 58,7-10) Qui n’a pas vu dans les yeux des personnes les plus aimantes, cette lumière du regard? Comme on entretient le feu de la fournaise pour qu’il nous apporte cette chaleur bienfaisante, encore faut-il entretenir le feu de notre cœur pour que la lumière de l’amour éclaire les plus désespérés. Voilà ce défi qui nous est proposé pour que notre lumière rappelle l’éclat du midi.

Quand nous aimons nos enfants, nous portons sur eux nos rêves et nos attentes. On voit grand pour eux et notre regard large porté sur eux les incite à grandir à tout point de vue. Jésus porte sur ses disciples ce même regard d’amour, ce même rêve de grandeur. Il veut faire de ses disciples des porteurs de flambeaux capables de chasser les ténèbres de ce monde. « Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père céleste. »  (Mt 5, 14-16) Cette attente posée sur ses disciples, Jésus l’exprime à la suite du message des Béatitudes. Ce message nous montre comment entretenir la flamme de notre flambeau. C’est par la pratique des valeurs évangéliques que nous devenons cette lumière éclatante dans le ciel du midi. Jésus nous dit également que nous sommes le sel de la terre. « Vous êtes le sel de la terre. Si le sel perd sa force, comment redeviendra-t-il du vrai sel? Il n’est plus bon à rien : on le jette dehors dans la rue et les gens le piétinent. » (Mt 5,13) Ce sel connu de Jésus, c’est ce sel qui provient des abords de la Mer Morte. Ce sel servait à allumer le feu. On comprend que Jésus s’attend à ce que ses disciples allument le feu de l’amour sur terre. Jésus pose donc des attentes sur nous parce qu’il  voit grand pour nous. « Vous donc vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait! » (Mt, 5,48)

Nous sommes tous entrés dans cette procession aux flambeaux. Nous traversons ensemble cette voie de la vie. Certains se voient en chemin vers un achèvement, une plénitude et gardent bien lumineux le flambeau de leur foi tandis que d’autres oublient de nourrir ce feu de leur flambeau intérieur et tout en marchant sur la voie de la vie, ils oublient le terme de cette marche.

 

-       Pierre-Gervais Majeau ptre-curé, diocèse de Joliette, QC.

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24 décembre 2013 2 24 /12 /décembre /2013 16:09

 Un jour, le père abbé qui se désolait de la mort prochaine de son monastère eut l’idée de rendre visite à un rabbin dans son ermitage pour lui demander si, par un heureux hasard, il n’avait pas quelque conseil à lui donner pour sauver son monastère. « Désolé, répondit le rabbin, je n’ai pas de conseil à vous donner. Je peux seulement vous dire que le Messie est l’un d’entre vous. » Au cours des jours, des semaines et des mois qui suivirent, les vieux moines ruminèrent les paroles du rabbin, se demandant s’il était possible de leur donner une signification quelconque. « Le Messie est l’un d’entre nous? A-t-il vraiment voulu dire l’un d’entre nous, ici, au monastère? Mais alors, lequel d’entre nous?


Après avoir passé chacun des frères au crible pour savoir qui pourrait être le Messie, tous demeuraient dans le mystère. « Ce qui est sûr, c’est que le rabbin ne parlait pas de moi…Je ne suis qu’une personne ordinaire. Mais supposons qu’il ait pensé à moi…que je sois le Messie. Mon Dieu, pas moi. Je ne peux pas avoir une si grande valeur à tes yeux, n’est-ce pas? » Tout en réfléchissant de la sorte, les vieux moines se mirent à faire preuve d’un très grand respect dans leurs rapports mutuels au cas où l’un d’entre eux serait le Messie. Et puisqu’il existait une chance rarissime pour chacun d’entre eux d’être le Messie, chacun commença à se traiter lui-même avec respect.


Le monastère était situé dans une magnifique forêt, au pied d’une haute montagne. Parfois des gens s’y rendaient pour pique-niquer… Ce faisant, et sans même être conscients de la chose, ils sentaient confusément qu’un aura d’infini respect entourait désormais les cinq vieux moines. Elle semblait irradier de leur personne et gagner l’esprit des lieux. Le phénomène avait quelque chose d’attirant… d’irrésistible.


Sans trop savoir pourquoi, les gens se rendirent plus souvent au monastère pour y pique-niquer, pour y jouer, pour y prier. Ils commencèrent à y emmener des amis… Puis arriva que quelque jeunes gens en visite au monastère se mirent à parler de plus en plus longuement avec les cinq moines. Après un certain temps, l’un des jeunes gens demanda s’il pouvait se joindre à eux. Puis un autre et un autre. C’est ainsi qu’en quelques années, le monastère redevint une congrégation florissante… un lieu vibrant de spiritualité et de lumière dans le royaume. ( S.Peck, La route de l’espoir, Pacifisme et Communauté, Paris, Flammarion, 1993, pp. 17-20 )    

 

 Si l’un de nous était le Messie, le Christ, l’esprit de Noël habiterait notre terre durant toute l’année. Les gens s’accorderaient de la vénération, du respect, de la considération. La parabole du jugement dernier serait actualisée : « À chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » ( Mt 25, 40 ) Si on réalisait qu’effectivement l’autre est le Messie, les grands rêves des prophètes se concrétiseraient. Le loup habiterait avec l’agneau, le léopard se coucherait près du chevreau, le veau et lionceau seraient nourris ensemble…La vache et l’ourse auraient le même gîte.( Is. 11,5-8 ) Si on réalisait que le Messie est l’un de nous, alors du lieu où il habiterait la gloire de Dieu rayonnerait.


Fêter Noël c’est rendre réalisable ce rêve de Dieu d’habiter au milieu de nous, d’être l’un d’entre nous. Fêter Noël c’est réaliser que Dieu vient à notre rencontre, il fait la moitié du chemin et il s’attend à ce que nous fassions l’autre moitié. On raconte qu’un jour, un fils de roi était séparé de son père par une distance de cent jours de marche. Ses amis lui disaient : « Retourne auprès de ton père! » Mais lui leur répondait : «  Je ne peux pas, je n’en ai pas la force. » Alors son père lui envoya dire : « Fais comme tu peux, marche selon ta force, et moi je viendrai et ferai le reste du chemin pour arriver jusqu’à toi. » Ce roi, c’est Dieu qui vient à notre rencontre tout en nous demandant de faire le bout de chemin qui nous est possible. Il vient à nous comme le potier et nous sommes tous l’ouvrage de ses mains. ( Is 64,7) Il vient à nous comme un bon berger qui porte sur son cœur les agneaux naissants et prend soin des brebis qui allaitent. ( Is. 40,11 ) Il vient avec la force de l’Esprit porter le salut aux pauvres, guérir ceux qui ont le cœur brisé, annoncer aux prisonniers leur libération et aux captifs leur délivrance. ( Is 61,1-2 ) Fêter Noël, c’est aménager écologiquement la terre de notre cœur pour devenir présence du Messie, du Christ. Fêter Noël, c’est rendre possible chez soi et dans notre monde, l’enracinement du projet de salut apporté par l’envoyé du Père, le Christ devenu l’un de nous pour nous accompagner dans notre chemin vers le Père en qui nous aurons toute plénitude et toute vie. Il est grand le mystère de notre foi quand nous réalisons que l’un d’entre nous est le Messie, le Christ, Signe de la présence de Dieu.


-Pierre-Gervais Majeau ptre-curé, Diocèse de Joliette, Québec.

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11 avril 2013 4 11 /04 /avril /2013 22:42

 Nous marchions, un ami et moi, sur la route ceinturant le lac et soudain, je remarquai des arbustes qui avaient été étêtés depuis un certain temps, par la lame de la charrue lors du déneigement de la route. Ces arbustes avaient perdu leur tête mais ils ne s’étaient pas laisser abattre pour autant. Là où la tête avait été rasée, plusieurs autres tiges s’étaient mises à surgir pour former une couronne de pousses vigoureuses assurant à l’arbuste blessé une possible fierté et un avenir tout aussi prometteur. Je faisais remarquer à ce compagnon de marche comment la nature nous offrait des modèles silencieux mais combien éloquents de résilience, de relèvement. Nous sommes en mesure de constater continuellement des phénomènes du genre aussi bien dans la nature que chez des personnes courageuses ou encore chez des animaux qui ont relevé des défis d’adaptation suite à des accidents terrifiants.


Nous le savons bien et l’expérience nous le rappelle tous les jours, dans la vie TOUT EST DON, RIEN N’EST DÛ! Ce don de la vie doit s’inscrire dans la précarité et dans les limites diverses. Nous sommes donc des êtres précaires, à la fois merveilleux et fragiles. Après avoir assumé notre condition humaine, nous serons en mesure d’apprécier la gratuité de l’amour, de la beauté, du plaisir. Nous sommes en mesure également de constater qu’à la suite d’un accident, d’un risque causé par la négligence de quelqu’un, notre vie pourrait s’écrouler. Nous aurions alors un immense défi à relever : se laisser choir ou se reprendre courageusement en main. Lutter pour assurer à notre vie une couronne de tiges nouvelles ou démissionner et sombrer dans la désespérance. Voilà donc le terrible dilemme qui s’ouvrirait devant nous. Aurions-nous alors des amis capables de nous porter le temps nécessaire pour que nous arrivions nous-mêmes à nous relever? Tout est là! Notre vie est précaire mais elle est ouverte à un immense avenir comme nous le rappellent les audacieuses propositions de notre foi chrétienne.


Il arrive que certaines paroles de l’Évangile soient comme des phares dans la nuit de notre précarité : « Celui que Dieu-Père a envoyé dit les paroles du Dieu-Père car Dieu-Père lui donne l’Esprit sans compter. Le Père aime le Fils et a tout remis dans sa main. Celui qui croit au Fils a déjà la vie éternelle; celui qui refuse de croire au Fils ne verra pas la vie éternelle, mais la colère de Dieu demeure sur lui. » ( Jn 3, 31-36 ) Si nous ne sommes que terrestres, terre à terre, nous ne verrons pas les réalités spirituelles qui nous enveloppent. Certains scientifiques affirment que seules les réalités tangibles existent réellement car elles sont vérifiables par la méthode scientifique. Force est de constater cependant que beaucoup d’autres réalités existent tout en échappant à la méthode scientifique : l’amour, la joie, la détresse, la considération, l’espérance… Tout en ayant une immense admiration pour la science, il n’en demeure pas moins que nous sommes aux prises tout de même avec les mêmes questionnements existentiels. Nous ne sommes pas seulement terrestres, nous sommes également ouverts au divin et à ses propositions de plénitude et de salut. Le Dieu-Père qui a tout remis sans compter à son Fils veut que nous partagions sa plénitude et il a chargé le Fils de nous révéler ce grand projet de salut, de vie. Celui qui croit au Fils est déjà entré dans un processus de vie éternelle. Celui qui refuse de croire, celui qui ne veut vivre que dans les limites du terrestre, s’échappe lui-même de ce possible salut. Alors la colère de Dieu demeure sur lui. Mais que signifie cette colère de Dieu? La colère de Dieu, ce n’est pas une offensive de représailles ni de vengeance ni de punition! La colère de Dieu est donc cette profonde souffrance de Dieu devant notre enfermement et notre refus de plénitude. La colère de Dieu est cette déception amoureuse qui le fait souffrir de nous voir échapper à son amour. La colère de Dieu est une cette provocation à la patience et à la miséricorde qui habitent son cœur paternel. La colère de Dieu demeure donc sur le terrestre qui refuse le divin et la plénitude afin qu’il ne soit perdu dans la précarité. La colère de Dieu est donc ce retournement du cœur qui pousse le Dieu-Père à faire en sorte que personne n’échappe à son amour. Le Dieu-Père aime le Fils et dans le Fils, chacun de nous est aimé pleinement et reçoit sans compter ce que le Fils reçoit en plénitude du Père.


Les arbustes étêtés observés sur les abords de la route ceinturant le merveilleux lac deviennent donc porteurs d’un message de relèvement, d’espérance, de résilience, de transformation. Il est vrai qu’on ne grandit pas dans la facilité. L’adversité provoque le terrestre précaire qui habite en moi à se tourner vers des réalités plus célestes, des réalités de plénitude.

 

-Pierre-Gervais Majeau ptre-curé , diocèse de Joliette, QC.

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7 octobre 2012 7 07 /10 /octobre /2012 14:17

 

Laurette Lepage

Les femmes l’avaient vu bien mort, descendu de la croix et déposé dans le tombeau.  Ce vendredi-là, il avait fallu faire vite, car déjà, brillaient les lumières du Sabbat.  Mais ce matin,

premier jour de la semaine, elles vont de surprise en surprise : le tombeau ouvert, l’énorme pierre roulée, et en plus, pas de corps de Jésus !  Et voilà ce mystérieux personnage, avec une question et une annonce : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ?  Il n’est pas ici, il est ressuscité » (Lc 24, 5).

 

Entendons-nous, encore aujourd’hui, l’annonce du messager ?  « Il n’est pas ici. Il est ressuscité »!   Il est le Vivant !  Cela veut dire que nous pouvons le rencontrer, l’écouter, lui parler.  Cela veut dire que sur le chemin de la vie, il est là, avec nous, chaque jour et, qu’accueillir cette bonne nouvelle, c’est croire l'incroyable !  C’est croire que jamais plus nous ne serons seuls avec nos questions, nos problèmes, nos pauvretés, nos misères et même nos péchés.  Il est là, et sa Présence  nous rejoint dès que nous le voulons, et même quand nous n'y pensons pas.  Il entre chez nous pour y mettre une graine d’espérance dans toute situation et dans toute voie sans issue.  Il est là avec nous pour pleurer, avec nous pour nous relever, avec nous pour nous rappeler que depuis ce jour de résurrection, il est possible de vivre debout. 

 

Bien sûr, la mort règne toujours et tout nous ramène à son ombre: la séparation, la tristesse, les deuils, les tragédies, la haine, la guerre.  Mais toutes ces situations peuvent devenir des chemins de résurrection, si nous les traversons dans la confiance au Ressuscité qui a vaincu la mort.   C’est lui qui nous invite constamment à lever la tête, au-delà du cercle qui nous enferme, pour faire éclater les limites des choses. « Ayez confiance, j’ai vaincu le monde » (Jn 16, 33) de la mort et de la fatalité.  Il nous précède en Galilée, la Galilée de notre monde, la Galilée des recommencements.  C’est lui qui nous pousse à nous mettre debout, à nous rassembler, à nous mettre en marche.  C’est lui qui habite notre espérance.

 

Ne voyons-nous pas aujourd’hui, ces instants de résurrection qui illuminent la vie et donnent un sens à tout le reste ?  Oui, le Christ ressuscite chaque fois que nous parions pour la vie et pour l’avenir dans des chemins nouveaux, chaque fois que nous aidons quelqu’un à se mettre debout, chaque fois que nous nous engageons effectivement pour la justice et pour la paix, chaque fois que nous partageons le pain de la fraternité. 

 

C'est lui, le Christ vivant, qui nous donne de le reconnaître et allume le cœur de ses disciples. Pâques, c’est dans la vie, aujourd’hui !  Oui, Christ est vivant.  Il est bien ressuscité.  Il est bien avec nous sur nos chemins  souvent cahoteux. 

 

Soyons donc tout à la joie de sa Présence !

 

 

 

Laurette 

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21 juin 2012 4 21 /06 /juin /2012 03:42

 

 « Si tu diffères de moi, mon frère,

 loin de me léser, tu m'enrichis »..

(Antoine de Saint-Exupéry)  

 

Dieu est un artiste qui ne se répète pas.  Il crée une multitude d'êtres sans photocopies…  Que de feuilles dans un arbre, que de ramures dans une seule feuille, et pourtant chaque feuille a ses traits uniques.  Ainsi en est-il des personnes : chaque être humain est unique.  Dieu le signe de sa propre image et il l’appelle par son nom.  Personne n'est le clone de personne. 

Tous uniques, tous différents, nous voilà rassemblés ici et là, à deux, à trois, à dix, à cent, dans un coude à coude plus ou moins serré, comme en une famille avec nos qualités et nos défauts, nos joies et nos peines, nos espoirs et parfois nos désespoirs, nos réussites et nos échecs, nos rêves et nos envies.  Nous voilà rassemblés avec nos vies surtout!  Avec en nous, comme un souffle mystérieux qui nous rend capable d'aimer l'autre dans toute sa différence.

Quel bouquet magnifique ne formons-nous pas quand l’amour nous unit dans toutes nos variétés !   Chacun, chacune a sa fleur : rose, muguet, lys, tulipe, oeillet ou glaïeul !  Peu importent sa couleur et son parfum si chacune apporte sa beauté.  C'est ce bouquet  qui nous porte dans l'esprit de la joie et de la fête.  N’ayons donc pas peur d'ouvrir nos bras et d'exprimer notre affection : c’est le langage du coeur !  Notre poète Gilles Vigneault le dit si bien dans sa chanson: 

 

"Le temps que l'on prend pour dire je t’aime

C'est le seul qui reste au bout de nos jours".

 

Seul un grand amour conduit à cette belle unité qui est le rêve de Dieu.  C'est bien là le climat que Jésus a voulu établir avec les disciples que nous sommes:  "Je vous appelle amis » (Jn 15, 15).  Faire l'unité dans la différence, oh! quel défi !  Il vaut la peine d'y engager tous nos efforts.  C’est en Celui qui est source d’unité que nous trouverons, avec la « joie que nul ne peut nous ravir » (Jn 16, 22), la capacité d’aimer assez pour réaliser l’harmonie d’un monde où il fait bon vivre.  N’est-ce pas là aussi, un appel à « accomplir le germe divin scellé dans notre chair » (Annik de Suzanelle) ?  Tu es unique !

 

Laurette Lepage

 

 Que penses-tu de la dernière citation

 

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