Forum d'expression libre et responsable sur des sujets d'actualité particulièrement sur le renouveau en Église à la lumière de l'Évangile et de Vatican 11 par l'échange et le partage. annonce gratuite
Dans la revue Le Monde des religions (numéro 57), Delphine Horvilleur, rabbin du Mouvement juif libéral en France, se souvient d’une célèbre légende hassidique où il est dit qu’un jour le Rabbi Shneour Zalman de Liady, fondateur de la tradition loubavitch et maître respecté, étudiait le Talmud. Soudain il entendit son petit-fils pleurer dans son berceau et alla immédiatement le consoler. En revenant vers sa chambre, il trouva dans la pièce voisine son fils, le père de l’enfant, immergé dans l’étude du Talmud. Il lui dit alors : « Mon fils, sache que si tu n’as pas entendu cet enfant pleurer, c’est que ton étude est mauvaise. »
Commentant cette légende, madame Horvilleur écrit que « la piété véritable consiste parfois à savoir interrompre l’étude, à fermer le livre pour se tourner religieusement vers l’autre. Ce récit dit aussi que l’étude n’est pas bonne inconditionnellement ou par essence : elle ne l’est que lorsqu’elle accompagne l’écoute, la garantit ou peut-être même l’aiguise, c’est-à-dire lorsqu’elle stimule notre capacité d’entendre le monde. Ce monde a ici la voix et le visage d’un enfant qui pleure, d’une humanité vulnérable, placée dans le dénuement extrême de la peur, de la faim et de la dépendance. Qui saura l’entendre? Qui pourra l’apaiser. L’étude, comme toute pratique religieuse, fait courir le risque d’un retrait du monde et d’une surdité à l’autre. »
Ce commentaire de Delphine Horvilleur m’a fait penser à mon Église, une institution qui étudie beaucoup, réfléchit beaucoup, prie beaucoup et célèbre beaucoup, surtout durant la Semaine sainte. Ne devrait-elle pas interrompre plus souvent ses études et spectaculaires célébrations pour se tourner vers l’autre et entendre notre monde qui pleure, victime de la peur, de la faim, de la violence, de l’injustice des petits seigneurs en train de tout saccager (eau, santé, terres agricoles, forêts, éducation, information…)? « Le renouveau de l’Église et la nouvelle évangélisation passent par la rencontre avec les personnes brisées par la misère et l’isolement » écrit Jean Vanier dans son récent livre sur Les signes des temps à la lumière de Vatican II. (p. 140) L’Évangile de Luc (4, 16-20) précise que Jésus se rendit à la synagogue, déroula le rouleau du livre d’Isaïe, lit un passage et le commenta, ferma le livre et sortit pour le réaliser car il avait entendu pleurer l’humanité présente dans son coin de pays.
Ce commentaire de madame le rabbin (une telle expression est agréable à écrire) m’a mis aussi en communion avec toutes ces femmes et tous ces hommes qui, sans référence religieuse ou une différente de la nôtre, quittent leur étude pour se rendre consoler et soulager cette humanité qui crie et pleure, multiplier les pains, changer la désespérance en désir de vivre, transmettre aux autres générations des raisons de vivre et d’espérer. « Lire les signes des temps, c’est donc repérer et admirer chez autrui, souvent chez ceux où on ne s’y attendait pas, LE signe messianique par excellence qu’est la foi en tant que courage d’envisager un avenir. Chaque fois que cela se produit, c’est un événement qui se remarque à partir de son rayonnement et de la contagion qu’il provoque. » (Christoph Theobald)
La résurrection du prophète de Nazareth est plus qu’un fait situé dans un passé précis : c’est la dispersion et l’offre d’un Souffle et d’une énergie au travail dans le Ciel et sur la Terre pour faire des cieux nouveaux et une terre nouvelle. Ressuscité, Jésus est aussi ressuscitant et ne se laisse pas arrêter par une Église qui, à l’étude , se comporte souvent comme sourde aux autres (voir le saccage de Développement et Paix, et l’interdiction de travailler avec un partenaire caritatif non catholique). L’énergie du Ressuscité est comme le vent : présent et effacé mais on peut voir les effets contagieux qu’il provoque. En ce temps de mort et de résurrection, je rends grâces au Seigneur pour tous ces êtres humains de bonne volonté qui ont entendu des pleurs et sont sortis de chez eux pour consoler le petit ou le grand enfant qui pleurait.
Joyeuse Pâque à vous!
André Gadbois