Jean-Pierre Denis
Créé le 20/03/2013
Le christianisme n’est pas la religion du Livre, mais la religion de la Parole. Voilà pourquoi la place Saint-Pierre de Rome a été conçue à juste titre comme un théâtre. Alexandre VII l’a
voulue ainsi, en confiant au Bernin la construction d’une colonnade destinée à embrasser l’humanité tout entière. Sur cette scène où l’Histoire prend plaisir à mêler princes de diverses Églises,
chefs d’État et humbles fidèles, tout fait sens. Tout est symbole. Tout est langage. Un mot, un geste, un silence ou même un sourire prennent une dimension religieuse et politique. C’est sur ce
théâtre aux dimensions du monde que se joue pour une part, en l’espace de quelques jours, le destin des pontificats, depuis que la télévision s’y intéresse vraiment. Voilà pourquoi la papauté est
dans ses premiers jours une affaire de style. Un style athlétique et optimiste pour Karol Wojtyla, devenu Jean Paul II. Un style réservé et profond pour Joseph Ratzinger, devenu Benoît XVI. Et
maintenant, un style accessible et spontané pour Jorge Bergoglio dit « pape François », parti pour jouir d’une exceptionnelle popularité.
Les premiers faits et gestes du pape François dessinent donc sans ambiguïté les contours du pontificat. L’heure est à une forme de retour à l’Évangile. Ou, si l’on veut, à une
évangélisation directe, immédiate, populaire. Le commentaire du texte de la femme adultère fait dimanche dernier par le nouvel élu montre de manière plus que limpide où ce pape veut aller. Dieu
ne se lasse pas de pardonner. C’est un « Évangile pour tous » que l’on nous annonce ainsi, en des termes qui parleront à bien des cœurs, au-delà même du cercle
des catholiques convaincus.
Le pape François veut insister sur des notions universelles et toutes plus révolutionnaires les unes que les autres : la miséricorde bien sûr, mais aussi la simplicité et
lapauvreté. Ce que j’appelle, pour ma part, les « valeurs faibles » de la foi. Ces valeurs demeurent capables de soulever le monde, à condition d’être vécues, et pas seulement
proclamées. En lâchant sa renonciation comme une bombe, Benoît XVI avait ouvert la voie. L’Église n’est pas un lieu de pouvoir, ou plutôt, comme l’a rappelé son successeur, le pouvoir selon
l’Église doit devenir service. Voilà une grande leçon franciscaine, en effet, et le pape n’a pas pris son nom par erreur.
Et la réforme de l’Église, dans tout ça ? On y vient, justement. Rappelons qu’elle fut une lancinante interrogation durant une bonne part des années Benoît XVI, et
aussi, bien sûr, durant le préconclave. Il est probable que le cardinal Bergoglio a apporté aux cardinaux électeurs une réponse assez différente de celle que l’on attendait, mais néanmoins
audacieuse à sa façon. On imagine que ce pape n’agira pas tant au niveau des structures qu’à celui des hommes. Il l’a déjà dit, et c’est en soi une critique sévère de certaines dérives de
l’Église, et pas seulement à la curie : il faut laisser là toutes les « mondanités ». Des mondanités qu’il juge même diaboliques. Le théâtre du pontificat est un théâtre du sens,
un théâtre de la foi, un théâtre où l’on ne se paiera plus de mots et de postures. La réforme de l’Église, la voilà. Elle s’annonce audacieuse, prophétique à sa manière comme le fut et l’est
toujours le Poverello d’Assise.
Hommage à Pierre Vilain
La foi, pour lui, se vivait dans la liberté et dans l’ouverture au monde. Pierre Vilain, journaliste et ancien directeur de la rédaction de La Vie nous a quittés. Toute notre équipe rend
ici hommage à celui qui la dirigea jusqu’en 1977 et fut un grand journaliste engagé en faveur d’un « Dieu des rencontres ».