Lettre au pape

Saint-Père, le 9 octobre 1984, je vous ai rencontré à Rome, sur une place voisine de Saint-Pierre. Je garde de vous le souvenir d'un homme d'Église, à la joie discrète mais inaltérable. Je n'ai pas le projet de vous revoir parce que vos obligations ne vous permettent plus de telles rencontres. C'est pourquoi je vous écris, après avoir beaucoup prié, afin de vous parler avec la hardiesse qui convient.

Le 10 juillet dernier, la Congrégation pour la doctrine de la foi a publié un document qui reprend en substance celui que vous avez rédigé en 2000, «Dominus Jesus» alors que vous étiez le préfet de ladite Congrégation. Comme il se doit, vous avez approuvé, sans le signer, le deuxième document.

À lire les deux textes, il est certain que vous aimez les fidèles des autres confessions que la nôtre, mais permettez-moi, Saint-Père, d’espérer que vous ferez encore de nouveaux progrès.

Vous dites et vous direz toujours la vérité avec une assurance absolue. J'aimerais que l'amour soit à la même hauteur.

Si l'amour «trouve sa joie dans la vérité» (1 Corinthiens 13, 6), l'amour, par contre, «ne plastronne pas, il ne s'enfle pas d'orgueil» (V. 4). Or, dans les deux documents de la Congrégation pour la doctrine de la foi, si les raisonnements sont justes, ils sont prétentieux. Car comment qualifier autrement des raisonnements qui arrivent à la conclusion que seule l’Église catholique détient la vérité et a le monopole du salut, alors que toutes les autres, malgré leurs richesses propres, sont déficientes?

De tels raisonnements sont le tombeau de l'oecuménisme. Ils rendent impossible l'unité entre les protagonistes, puisque l'un d'entre eux prétend être tout à fait dans la vérité, tout en clamant que les autres sont largement dans l'erreur. Car «quelle union entre la lumière et les ténèbres?» (2 Corinthiens 6,14).

Pourquoi, Saint-Père, vous parler ainsi? «Parce que je ne vous aime pas? Dieu le sait!» (2 Corinthiens 11, II). Je vous aime.Je vois Jésus en vous, comme dans la personne de ses saints (2 Thessaloniciens 1, 10). Mais je souhaiterais le voir en vous agenouillé, lavant les pieds de tous ses disciples (Jean 13,4-5)

Pour ma part, je m’agenouille devant vous, en vous demandant de me bénir

Votre fils,

Gérard Marier Prêtre de Victoriaville.